Des voleurs pincés à cause de leur stress
Quand on stresse, le premier réflexe consiste à ne pas se reprocher ce que nous avons dit ou pas dit, fait ou pas fait. Parce que chaque type de stress entraîne une série de comportements complètement instinctifs, sur lesquels nous n’avons pas beaucoup de contrôle. Pour l’illustrer, voici une mésaventure 100% due au stress, vécue par… un gang auquel on attribue le casse du siècle.
Car même les braqueurs peuvent être stressés 😉
Le casse du siècle
En Fuite, on évite. On est évasif. On ne supporte pas la contrainte. On veut partir. Cela fait partie du programme. L’accepter, chez soi et chez les autres, est une condition nécessaire pour le gérer.
15 février 2003. En pleine nuit, quatre individus dérobent le contenu de 123 coffres-forts du Diamond Center d’Anvers (Belgique) sans déclencher le système d’alarme. Leur butin ? Des diamants, de l’or, des bijoux. Estimation : 100 millions d’euro ! Un record (pour l’époque).
Il aura fallu deux ans de préparation à Leonardo Notarbartolo, cerveau de ce que la presse appellera le « casse d’Anvers », pour s’infiltrer dans le cercle très fermé des diamantaires et peaufiner son plan génial. Il ne faudra que six jours pour qu’il soit arrêté par la police…
La faute au stress. Pas le sien, mais celui de Pietro Tavano, alias Speedy, un de ses complices. Sur l’autoroute qui les éloigne d’Anvers, Speedy résiste mal à la tension. Le sac poubelle bourré de preuves compromettantes, sur le siège arrière, l’inquiète. Il insiste pour s’en débarrasser, effrayé à l’idée de tomber sur un contrôle de police à Bruxelles, quarante kilomètres plus loin.
Notarbartolo murmure : « C’est un moment ridicule pour avoir une attaque de panique ». Mais Speedy insiste, pressant. Au lieu de brûler le sac plus loin, comme prévu, ils l’abandonnent le long d’un chemin bordant l’autoroute, puis repartent. Dedans, les policiers trouveront les cassettes vidéo de surveillance du Diamond Center, une feuille à en-tête au nom de la société que Notarbartolo utilisait pour l’infiltrer et un reste de sandwich qui livrera sans peine son ADN… Accablant !
Comment en sont-ils arrivés à se tirer une telle balle dans le pied ?
Le danger. Le stress. La fuite.
Quand nous nous sentons en danger, comme Speedy, nous enclenchons instinctivement une des réactions de stress – censée assurer notre survie – parmi la gamme des programmes disponibles. Nous connaissons tous cette sensation d’avoir envie de nous enfuir, d’éviter la confrontation, d’être ailleurs. Pas besoin de réaliser le casse du siècle !
Imaginez que vous venez de faire une bêtise. Vous allez vous faire houspiller. Par votre patron, qui vient de remarquer la disparition de son fichier clients suite à votre erreur de manipulation. Par votre conjoint, qui vous rappelle une promesse non tenue… Vous sentez cette envie de fuir apparaître, votre cœur s’accélérer ? Alors, vous venez de déclencher votre programme automatique de « Fuite » : la course pour la survie. Il insuffle un sentiment de peur, pour donner l’envie, confuse mais efficace, de déguerpir pour échapper au danger perçu. Ce mécanisme est gravé au plus profond de nous. Prêt à rejaillir au besoin. C’était le cas quand nos ancêtres des cavernes fuyaient face à une charge de rhinocéros laineux. C’est le cas chez Speedy. Et ce n’est pas un cerveau, même aussi brillant que celui de Notarbartolo, qui l’en empêchera.
Impossible de réfléchir !
Dans la nature, la rapidité peut l’emporter sur la force. L’objectif du programme de « Fuite » consiste à nous rendre le plus véloce possible à travers une réaction physiologique de stress. Dès que le danger est détecté, vasodilatation, accélération du cœur et de la respiration augmentent l’oxygénation des muscles des jambes et des bras. On ne tient plus en place. Notre organisme s’allège du poids superflu. On doit uriner. Vu d’ici, ça ressemble d’assez près au trac, non ? Au stress ressenti quand on monte sur scène. À la tension avant l’examen.
Mais la rapidité ne suffit pas. Il faut aussi être agile. Quand on fuit, on balaie le décor du regard pour repérer les obstacles qui pourraient nous faire chuter. Pour découvrir une cachette où notre prédateur serait incapable de suivre. C’est pour ça que le programme de Fuite nous rend confus, agité : on pense à dix milles choses à la fois sans en réaliser aucune… ni même y mettre de l’ordre. Dans cet état, il est pratiquement impossible de réfléchir posément.
Comme Notarbartolo et ses sbires, nous sommes susceptibles de faire des erreurs, en laissant des traces fatales derrière nous, sachant qu’il n’est pas question de faire demi-tour. C’est bien leur stress qui a fichu par terre leur plan mis au point avec une minutie chirurgicale pendant des mois.
Eviter la case « Prison »
L’histoire ne dit pas si Speedy s’en veut. La perspective de diviser le magot à la sortie valait peut-être la condamnation à cinq ans de prison. À nous d’éviter la nôtre. En « Fuite », nous ne réfléchissons plus aussi bien. Nous lâchons parfois du lest, même sur des questions importantes, pour que la pression disparaisse. Nous n’osons pas, parce que la peur s’invite à des endroits où elle ne devrait pas autant. Nous n’entendons plus. Nous fuyons, quitte à planter là notre auditoire sans la moindre explication. Après, le reproche, la culpabilité, le regard que l’on porte sur soi peuvent ressembler à autant de cellules de prison dans lesquelles il nous arrive de ressasser, en disant : « j’aurai dû tenir bon ; j’aurais dû oser ; j’aurais dû entendre ; j’aurais dû rester »…